12 D’où ce que tu sors – Jean Paul Riopelle à Val-David
Vue d’installation, Centre d’exposition de Val-David
Voici un peintre qui peint de la même façon qu’il respire.
— Paul Auster
En cette année du Centenaire de Jean Paul Riopelle, le Centre est heureux de faire découvrir une part de sa merveilleuse production réalisée à Val-David de 1985 à 1993 à l’Atelier du Scarabée de Bonnie Baxter. Les arts de l’estampe marquent très tôt le parcours artistique foisonnant de Riopelle. Pensons à ses litho-collages magistraux et monumentaux de 1967 où se multiplient les permutations et réappropriations innovatrices. Loin de se restreindre aux méthodes habituelles de la gravure, le peintre ou calligraphe privilégie les épousailles de la couleur et de la ligne et recouvre celui du graveur. C’est ainsi qu’il se retrouve, après son retour à Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson, à Val-David à l’Atelier du Scarabée pour poursuivre sa quête exploratoire. Débutera alors une décennie de travail de création intense avec Bonnie Baxter.
Sur le chemin des gravures imprimées à Val-David, le « trappeur supérieur », comme le surnommait André Breton, ira à la chasse aux images et plus encore à la pêche. Riopelle aimait pêcher depuis sa plus tendre enfance non moins qu’il aimait peindre. Dans un entretien avec Lise Gauvin à Sainte-Marguerite, il confiait : « Toute ma vie, j’ai pêché…C’est le geste qui compte, c’est une certaine perfection du geste, un certain accord avec le monde et ça va très loin. J’ai un ami, grand pêcheur […] Je voudrais être comme lui en peinture[i]. » Il s’agit de Paul Marier, champion de pêche canadien en 1936.
Ce faisant, des histoires de pêche et de mouches ponctuent sa trajectoire expérimentale. « Ce qui m’intéresse dans certains éléments – papillons, mouches – de la nature, c’est la symétrie, qui est toujours asymétrie. Il n’y a pas de véritable symétrie dans la nature[ii] », relate-t-il. Le jeu des essais avec des variations de couleurs superposées et l’utilisation de mêmes plaques pour plusieurs images différentes enchevêtrent les inversions dont il affectionne brouiller les pistes, intriguant le spectateur. Les surimpressions donnent lieu à de véritables palimpsestes, telle la série d’Un Promeneur, qui utilise des plaques « regravées » de la suite Anticosti. Les épreuves devenaient matière à jeu de mots et poésie sonore. Les titres apparaissaient selon les numéros d’impression : l’épreuve 14 devenait « Qu’a tord son linge » et la 12 D’où ce que tu sors.
Vue d’installation, CENTRE D’EXPOSITION DE VAL-DAVID, 12 D’où ce que tu sors? : Jean Paul Riopelle à l’Atelier du Scarabée de Bonnie Baxter, 24 juin – 6 septembre 2023
Aux gravures de Riopelle s’ajoutent d’imposants Coquelicots (2005) de Bonnie Baxter de la série d’impressions numériques qui font suite au projet Mouchetache amorcé avec Riopelle en 1993 mais demeuré inachevé. Bonnie Baxter raconte comment cette étroite collaboration se poursuivait à la table, en discussions et en échanges sans fin. « Jean Paul faisait partie de notre vie. Ce fut un véritable bonheur[iii]. » Serons-nous surpris de lire sur une étiquette dessinée par Riopelle apposée à un grand cru du baron Rothschild millésimé 1978 ce ver du Rêve de Watteau de Nelligan « … et parfois radieux dans nos palais de foin nous déjeunions d’aurore et nous soupions d’étoiles ». C’est la grâce que nous nous souhaitons.
Au plaisir de vous accueillir,
Manon Regimbald
Samedi 22 juillet à 14 h – Rencontre avec Bonnie Baxter
Samedi 5 août – Rencontre avec Isabelle Leduc et René Viau