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Les gravures de Jean Paul Riopelle et les créatures hybrides mi-rat, mi-humain, de Bonnie Baxter cohabitent au Musée des beaux-arts de Sherbrooke
Dans cette nouvelle exposition, la professeure en médias d’impression de l’Université Concordia retrouve son ancien collaborateur
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Dans le monde des arts visuels québécois, peu d’artistes ont laissé une marque aussi indélébile que Jean Paul Riopelle, et peu ont côtoyé ce dernier d’aussi près et aussi longtemps que Bonnie Baxter. Mme Baxter, elle-même une artiste multimédia réputée, est chargée de cours à temps partiel en médias d’impression à la Faculté des beaux-arts. Avec son conjoint, elle a maintenu des contacts étroits avec Riopelle et ses compagnes pendant huit années où ils ont vécu, travaillé, voyagé et créé ensemble dans leurs résidences voisines des Laurentides, au nord de Montréal.
Cette année, alors que le milieu des arts souligne le centième anniversaire de naissance de Riopelle, le Musée des beaux-arts de Sherbrooke accueille une exposition réunissant les œuvres des deux artistes. Apprivoiser la bête présente des gravures de Riopelle, ainsi que des œuvres gravées, sculptées et numériques de Baxter.
Comme l’explique Mme Baxter, le titre de cette exposition, qui forme un genre de bestiaire, recèle de multiples couches de sens.
« L’impression comporte une foule de variables, y compris l’humidité du papier, la viscosité de l’encre, la force appliquée par la presse, détaille-t-elle. Je vois toutes ces variables comme des animaux sauvages qui ont chacun une voix propre. Pour produire une gravure, il faut apprivoiser ces bêtes, harmoniser ces voix pour en créer une seule. »
Bonnie Baxter : « Nous étions animés par une volonté commune de bafouer les règles pour les réinventer de manière ludique. »
Inspiration animalière
L’exposition réunit non seulement les œuvres de deux collaborateurs qui emploient le même médium, mais aussi deux artistes fascinés par le monde animal.
« Nous utilisons tous les deux les animaux comme catalyseurs et sujets de nos œuvres, précise Mme Baxter. Elles traitent de la nature à travers notre amour et nos observations de la nature. »
Riopelle a produit de nombreuses images de la faune québécoise, qui le passionnait. Des figures d’oies, de hiboux, de gibiers et même d’animaux de ferme dominent fréquemment ses gravures et ses peintures. Pour sa part, Baxter s’est penchée sur une tout autre bête qui côtoie souvent de près le genre humain : le rat.
Dans sa série d’expositions RatKind, elle place ce rongeur mal-aimé au cœur d’un commentaire sur l’actualité et l’avenir, imaginant une Terre irrémédiablement ruinée par l’être humain où les rats auraient pris le contrôle et appris à vivre en harmonie avec la nature. La série comportera des gravures, des impressions numériques, des xylographies, des vidéos et des sculptures.
Bonnie Baxter décrit RatKind comme un commentaire à la fois sur sa propre peur des ravages et de la disparition éventuelle de la beauté naturelle causés par les changements climatiques et sur la peur de l’autre propre à l’humanité. Elle indique avoir eu de la difficulté à exposer cette série en raison de sa thématique et des réactions très négatives que suscitent les rats chez un nombre étonnamment élevé de personnes.
« J’ai été choquée et fascinée de voir que certaines personnes détestent les rats de manière viscérale, confie-t-elle. J’ai l’impression que ce genre de peur de la différence est à l’origine du racisme. Or, en n’affrontant jamais la peur, nous ne pourrons jamais la surmonter et évoluer comme société. »
En immersion totale
De 1985 à 1992, tout en enseignant à l’Université Concordia, Mme Baxter a vécu huit années étourdissantes de créativité et d’aventures où elle collaborait avec Riopelle. L’art et la vie étaient indissociables.
« Avec Jean Paul, il n’y a jamais eu de distinction. Il n’était pas question de travailler dans le studio de neuf à quatre, puis d’aller manger. Le travail, la vie et l’art, cela ne faisait qu’un. Nous étions toujours dans le studio pour travailler, manger, boire et voyager. C’était une immersion totale dans la vie et l’art, et la manière de les conjuguer. Nous étions animés par cela, ainsi que par une volonté commune de bafouer les règles pour les réinventer de manière ludique. »
Apprivoiser la bête est à l’affiche du 2 février au 23 avril au Musée des beaux-arts de Sherbrooke.
Renseignez-vous sur l’exposition Jean Paul Riopelle / Bonnie Baxter. Apprivoiser la bête.
Few people have left as indelible a mark on Quebec’s visual arts heritage as Jean Paul Riopelle, and few were as close to him for an extended period of time as Bonnie Baxter. Baxter is a celebrated multimedia artist in her own right and a part-time instructor of print media in the Faculty of Fine Arts. She and her partner lived in almost constant contact with Riopelle and his partners for eight years, living, working, travelling and creating together at their nearby homes in the Laurentians north of Montreal.
Now, as the art world marks the centenary of Riopelle’s birth, the Musée des beaux-arts de Sherbrooke will be hosting a show featuring works by both. Apprivoiser la bête (Taming the Beast) features a number of prints by Riopelle and prints, sculptures and digital media by Baxter.
As Baxter explains, the title of the show — which revolves around images of wildlife — has layered meanings.
“There are many, many variables in printmaking, including the wetness of the paper, the viscosity of the ink, the pressure of the press,” she says. “To me, all these variables are like wild animals, each with their own voice. In order to make a print, you have to tame these wild animals, to come together in one voice in order to make your print.”
Wild inspiration
The exhibit, curated by Suzanne Pressé, combines the works not of just two collaborators in the same medium, but two artists with a strong interest in the animal world.
“We both use animals as a catalyst and the subject in our work,” Baxter says. “It has to do with nature and our love and observation of it.”
Riopelle often included images of his beloved Quebec’s fauna. Geese, owls, game, even farm animals figure prominently and often in his prints and paintings. Baxter, on the other hand, casts her eye at a different kind of animal often found in close contact to humans: rats.
Her RatKind series of exhibitions places the often-despised rodent at the centre of her commentary on current and possibly future affairs, in which rats have taken over an irretrievably damaged Earth from humans and learned to live in harmony with nature. The exhibit will feature prints, digital prints, woodcuts, video and sculptures.
She describes RatKind as a commentary on both her fears of the devastation and potential loss of natural beauty caused by climate change and on humanity’s fear of the other. She adds that she faced challenges in getting her shows staged due to the subject matter and the strong negative feelings rats evoke in a surprisingly large number of people.
“I was shocked at how profoundly some people hated rats, and I found it fascinating,” she shares. “It seemed to me that this kind of fear of the different was the basis of racism. But if we never face this fear, we’re never going to get beyond it, and we’ll never evolve as a society.”
Fully immersed
At the same time as teaching at Concordia, the eight years between 1985 and 1992 that she spent with Riopelle were a whirlwind of creativity and adventure. Art and life were inextricable from each other.
“With Jean Paul, there was never any division. It wasn’t a question of working in the studio from nine to four and then going to eat something. Everything was work and life and art. We were always working in the studio, eating and drinking, and travelling. It was a total involvement in life and art and how they went together. We had that in common, as well as a mutual willingness to break the rules, make new ones and have fun doing it.”
Apprivoiser la bête runs from February 2 to April 23 at the Musée des beaux-arts de Sherbrooke.
Learn more about the exhibit: Jean Paul Riopelle / Bonnie Baxter. Apprivoiser la bête.